Le confinement, c’est ce qui va changer le monde
On entend souvent dire : « Mais, ce n’est pas ça qui va changer le monde ». Quand on parle de sauvegarder la planète ou simplement de pratiquer la démocratie. De toute façon, ça ne sert à rien, on est noyé dans la masse.
Depuis quelques semaines, chaque être humain a pris tout d’un coup une importance vertigineuse, du comportement de chacun et chacune dépend la vie ou la mort des personnes qui les entourent de près ou de loin. Le monde entier est concerné par le Covid-19.
Le meilleur moyen de freiner l’évolution du virus, c’est d’éviter les contacts trop rapprochés, comme on l’a entendu des spécialistes, « ce n’est pas le virus qui bouge, c’est nous qui le transportons et le transmettons dans nos mouvements ». On voit ainsi combien le monde est mobile et combien les êtres humains ont besoin de relations, de rencontres, de vie sociale et affective. Le confinement est tellement contraire à la nature humaine et au principe si fondamental et existentiel qu’est : LA LIBERTÉ. Et pourtant, le confinement, pour le moment, est le seul moyen simple et efficace de réduire l’impact du virus.
Celui qui vous écrit, cher-e-s confiné-e-s, a passé récemment six mois dans les hôpitaux, dans le confinement, suite à une maladie des poumons, rare, mortelle, aux causes inconnues. L’espace s’est drastiquement réduit à un lit, un fauteuil, une machine à respirer, une intubation, une transplantation ; il s’est réouvert sur une nouvelle vie, aussi passionnante qu’avant. Le corps médical, je les appelle « les Géants ».
Dans ce confinement extrême, j’ai dû rechercher la liberté ailleurs***, en tant que pasteur et enseignant dans un lycée, j’ai souvent dit au personnel soignant : « le Christ est juste dans le plafond, le chemin ne va pas être long ». Ce qui était pour moi le plus important au-delà de vivre ou de mourir, c’était de trouver la sérénité. Les personnes qui m’ont accompagné m’ont fait tellement de bien. Les moyens de communication actuels nous permettent de rester en contact à distance. Utilisons-les.
Le confinement est, malgré ses contraintes, une chance de penser les uns aux autres, de rechercher la sérénité, elle va nous aider à surmonter cette crise majeure dans laquelle tout le monde est concerné. Il va revenir le temps où nous allons refaire la fête ensemble et peut-être en ayant trouvé, face aux joies et aux drames de la vie, plus de sérénité : la chance de prendre soin autrement des êtres humains et de notre planète.
Michel Ummel, pasteur et enseignant,
en pensée avec les malades et les personnes
qui prennent soin de leurs souffrances
Et le rôle du chant et de la musique dans tout cela ?
À la demande de Chant anabaptiste, voici quelques mots, en rapport avec la musique et le chant durant cette expérience très particulière. En y pensant, il me semble que musique et chant n’ont malheureusement jamais pu être prioritaires. C’est vrai qu’en étant pratiquement six mois entre la vie et la mort, d’autres priorités se sont imposées. Avec une trachéotomie, on ne peut parler que quand les soignants dévient l’air dans les voies aériennes supérieures au moyen d’une soupape de parole qui est en phase avec la respiration, on peut parler seulement quand on expire, ainsi fonctionne, de manière générale, la voix. Les chanteurs et chanteuses le savent bien, l’air doit être mis en réserve, inspiré, à des moments bien précis. S’il n’y a pas d’intervention du corps médical qui installe la soupape de parole, l’air n’arrive pas dans les cordes vocales et on est aphone, les heures de parole sont très précieuses elles permettent de reprendre contact avec son entourage, tellement plus facile que de faire des signes ou d’écrire avec peine étant donné les innombrables tuyaux auxquels on est relié. J’ai subi une trachéotomie en extrême urgence avant d’être héliporté dans un centre hospitalier spécialisé, puis trois mois plus tard intubé avant d’être transplanté. Dans ce mode de survie, j’étais bien plus près du ciel que de la terre, plutôt que de m’évader avec le chant et la musique, et Dieu sait combien longue est la liste de mes chants, chansons et musiques préférés, je me suis concentré sur les contacts que je pouvais avoir avec ma famille très proche ; suivant les règlements, il n’était pas possible de voir plus de deux personnes à la fois. Le chant et la musique au lieu de me permettre de m’évader, facilitaient plutôt mon retour sur terre, la vie ici-bas. Mon émotion était totale quand, en maison de réhabilitation, dans un état de faiblesse encore sérieux, on m’a transporté en chaise roulante dans une salle où une ancienne pianiste virtuose donnait un concert de piano. Réentendre de la vraie musique, avec une vraie pianiste, un vrai piano, j’ai réalisé que j’étais bien vivant. J’ai souvent pensé à Taizé, le privilège d’être assis par terre, de retourner à l’essentiel pour mieux s’élever par les paroles bibliques partagées, les chants d’une beauté infinie, une prière sans temps ni lieu, le silence si parlant, les couleurs orange de la Pentecôte, du Saint-Esprit, du souffle éternel. Les chants comme par exemple Alabaré a mi Señor dans nos grands rassemblements ou nos communautés mennonites locales nous réunissent et nous unissent même dans les confinements extrêmes.
Michel Ummel,
un des anciens de la communauté mennonite du Sonnenberg.
P.-S. : Je parle, je chante comme avant, les progrès sont phénoménaux, aujourd’hui, toute proportion gardée, c’est un peu comme si Usain Bolt, le sprinter jamaïcain, courait le 100 m en 6 secondes… Il m’a fallu parfois 40 minutes en raison de la détresse respiratoire pour passer de la position assise sur mon lit à une autre position assise sur un fauteuil collé à ce même lit ; maintenant, il me faut à peine une seconde pour le même déplacement.
Pour aller plus loin :
- vidéo "Les Anabaptistes persécutés pour leurs convictions"