Jésus répondit : Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux juifs. Mais mon royaume n'est pas ici. Pilate lui dit : Donc tu es roi ? Jésus répondit : Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. (Jean 18, 36-37)
Hochement de tête à propos de Jésus …
Ce Jésus de Nazareth? Un roi? Le roi des juifs? Le Messie attendu qui devrait délivrer Israël? Et qui plus est, le sauveur du monde?
Voilà les dirigeants religieux de ce temps-là. Ils avaient une autre image du Messie, de l'envoyé de Dieu qu'ils attendaient. Un type qui fréquente les samaritains méprisés. Un type qui visite les malades au lieu de se rendre au culte selon la règle – et, de surcroît, dit au malade un jour de sabbat de se lever et de porter son lit à travers la ville. Un type qui acquitte une femme adultère et, de ce fait, ridiculise les dirigeants religieux respectables. Un type qui se fait enduire de pommade les pieds par une prostituée. Un type qui se met à genoux devant ses partisans pour leur laver les pieds, comme un esclave, au lieu de saisir les armes contre les romains pour les chasser dehors. Non, celui-là ne peut pas être le Messie que Dieu nous envoie! Hochement de tête! Oui, plus encore: Il dérange. Il faut l'éliminer!
Et il y a Ponce Pilate, devant lequel Jésus se tient maintenant. Il regarde cette figure pitoyable qui lui est présenté comme prétendu roi. Il n'a pas de territoire à défendre. Il est impuissant et ne se défend pas. Il est pauvre et sans serviteurs. Il a perdu tous ses partisans et se trouve là, devant lui, solitaire. Trahi. Ridiculisé. Impuissant. Pilate aussi ne peut que secouer la tête. Un roi? Non – ça doit être un malentendu. Et il insiste : Donc, tu es roi?, et reçoit la réponse : Oui, je suis roi.
Et il y a encore les 'siens' – ceux qui le suivent. Où sont-ils à l'heure ou leur maître est en difficulté? Est-ce que les 'siens' se sont aussi rangés du côté de ceux qui hochent la tête? Même Pierre, leur meneur, l'a trahi – non, je ne connais pas ce Jésus, je n'appartiens pas à son clan. C'en est trop, même pour les proches de Jésus, ce qu'ils voient ici dépasse leur entendement. Non, ça ne peut pas être le Messie. Pas ainsi. Là, il exagère. Hochement de tête, même chez les 'siens'. Non, cet homme-là ne peut pas être le Sauveur envoyé de Dieu!
…et à propos de Dieu
Et le hochement de tête va encore plus loin: l'Evangéliste ne nous raconte-t-il pas dans les 18 chapitres précédents de son Evangile que ce Jésus est Dieu devenu chair. Dieu lui-même est venu dans ce monde pour montrer et dire aux hommes qui il est et comment il aime les hommes. On peut le relire dans le premier chapitre de Jean.
Plus grave encore! On hoche la tête non seulement à propos de Jésus, prétendu roi, qui ne se comporte pas comme un roi, mais encore à propos de Dieu qui ne se comporte vraiment pas comme un Dieu.
Non seulement "Quel roi?!", mais plus encore "Quel Dieu?!"
Peu après, ce "roi" est condamné et fouetté, puis conduit au palais de justice, cloué à la croix, où il meurt lentement, pitoyablement et dans la souffrance. Quel roi?! Quel Dieu?! La croix a contrecarré nos fausses images de Dieu!
Ne souhaitons-nous pas souvent un Dieu rayonnant, puissant, vainqueur et triomphant? Et un Jésus assis sur son trône et régnant sur le monde? Nous le proclamons en tout cas dans beaucoup de chants.
Les auteurs des Evangiles contrecarrent de telles représentations. Les quatre récits des Evangiles accordent une place tellement importante à l'histoire de la Passion qu'il ne peut y avoir aucun doute sur notre devoir de nous arrêter et d'y regarder vraiment de plus près.
AINSI est le Messie! AINSI est le fils de Dieu! AINSI est Dieu!
Dietrich Bonhoeffer écrivait en prison en 1944 :
"Dieu se laisse chasser du monde pour aller à la croix; Dieu est impuissant et faible dans le monde et c'est ainsi, justement et seulement, qu'il est présent et qu'il nous aide. … C'est en cela que nous nous distinguons de manière déterminante des autres religions. La religiosité de l'homme le renvoie dans sa détresse à la puissance de Dieu dans le mon- de … La Bible renvoie l'homme à l'impuissance et à la souffrance de Dieu; seul le Dieu souffrant peut aider."
Le roi "up-side-down"
Tout serait bien plus simple et compréhensible si Jésus avait dit: "Non, je vous en prie, je ne suis pas roi, je ne veux établir aucun royaume – il doit y avoir un malentendu. Mais Jésus dit expressément et sans équivoque: Tu le dis : je suis roi. Et oui: Je veux établir un royaume. Mais mon royaume n'est pas de ce monde.
Par sa vie, Jésus a donné une nouvelle définition du royaume et de la puissance, du pouvoir et du combat! Il ne renonce pas au langage imagé de la royauté et du royaume, du combat et du pouvoir, parce qu'il ne s'inquiéterait que du seul salut spirituel des hommes.
Non! Dieu se soucie de à ce monde. Il est question de puissances et de royaumes. Il est question de politique. Il est question du Royaume de Dieu et de revendication du pouvoir.
Jésus a dérangé pour cela, parce qu'il s'est mêlé à la discussion publique, parce qu'il était politique. Aucun coq ne se serait avisé de chanter s'il n'avait été qu'un fondateur de religion un peu gauche.
Il a revendiqué sa qualité de roi, la construction d'un royaume, la conduite d'un combat et le rassemblement d'un peuple. Son message était clair: le règne de Dieu est proche – modifier votre façon de penser – c'est parti, un royaume est en construction – un royaume "dans le monde" mais pas "de ce monde". Jésus à bouleversé tous les modèles connus en matière de royaumes, pouvoirs, combats et puissance! Up-side-down! Son royaume et son combat sont marqués par quatre valeurs fondamentales: Amour – Service – Renonciation à l'usage de la violence – Don de sa vie pour autrui. Ces valeurs trouvent leurs fondements dans la nature de Dieu. Ainsi est Dieu! La vie de Jésus, fils de Dieu, rend visible l'amour que Dieu porte pour son ennemi. Et Vendredi-Saint constitue l'apogée de cet amour de l'ennemi.
Si ce royaume était de ce monde, les armes seraient au combat, le mal serait vaincu par la violence, et Dieu arriverait, puissant, régnant et triomphant. Mais quel Dieu serait-il, un Dieu empoignant les moyens du mal pour vaincre le mal?!
Dieu, dans son amour de l'ennemi aime tellement ses hommes qu'il s'approche vraiement d'eux pour leur montrer son amour, même en payant de sa vie. C'est cela le roi up-side-down!
Nous nous trouvons ainsi au pied du mur, confrontés à la question un peu oppressante: dans la suivance de quel Jésus sommes-nous. Soyons donc toujours assez conscients de cette chose: Dans quelque situation que nous utilisions les termes puissance, pouvoir, royauté, trône, et victoire pour désigner notre Dieu, il est nécessaire de toujours les comprendre "up-side-down".
- Nous n'honorons pas un roi-dominateur, mais un roi-serviteur.
- Nous n'implorons pas un roi qui exécute les jugements à l'encontre de ses contradicteurs, mais un roi miséricordieux et indulgent préférant supporter lui-même le jugement.
- Nous ne suivons pas un roi qui tue ses ennemis, mais un roi qui aime ses ennemis et qui se laisse lui-même tuer.
- Nous chantons un roi combattant, sans les armes de ce monde mais avec les armes de l'Esprit, à savoir l'amour et la miséricorde.