julien labeth 70px JULIEN LABETH
EGLISE D'ALTKIRCH
F
Publié dans le cadre de notre collaboration avec les Editions mennonites
Art. paru dans :
Christ Seul No 1140 avril 2023
 

Dans la culture juive, l’agneau rappelle le sacrifice qui permet d’éviter la mort. De manière similaire, la mort de Jésus nous évite la mort – et nous donne la vie. Chantons-le !

Jean-Baptiste désigne et reconnaît Jésus comme Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1.29). On peut noter que ce chant nous encourage à concevoir d’abord l’œuvre de Jésus comme une œuvre universelle, presque cosmique : le monde est sauvé du péché. L’agneau (au sens d’animal) sacrifié pour les péchés de certains (le peuple juif) devient désormais l’Agneau de Dieu, sacrifié pour les péchés de tous et de tout. Bien que nous fassions partie de ce monde (dans lequel le péché est présent), les paroles nous amènent à réaliser que Dieu nous donne un nouveau cœur et nous renouvelle par son Esprit.

LE PARDON ET LA GRÂCe

Les textes des premiers siècles en latin comme le Credo proposent souvent la formule Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, misere nobis ou bien Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem qui se traduit respectivement par Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde, prends pitié de nous ou bien donne- nous la paix. On pourrait avoir l’impression que l’œuvre de l’Agneau n’est pas complète et s’arrête à la miséricorde. Jean-François Bussy, l’auteur du chant, va plus loin en complétant les paroles de Jean-Baptiste par le pardon et la grâce. On remarque dans les rimes et la ligne de basse inchangée (contrairement à la ligne mélodique) que le péché du monde est remplacé par la grâce qui abonde.

LUMIÈRE POUR LE MONDE

La fin du refrain invite à chanter que Jésus répand sa lumière. Lui-même dira après l’épisode de Jean-Baptiste : « Je suis la lumière du monde » (Jn 8.12). C’est donc bien l’œuvre de l’Agneau qui pourrait inspirer notre vie missionnelle pour vivre et partager autour de nous la métamorphose de la miséricorde en grâce pour tous !

PAROLES 
L'AGNEAU DE DIEU

Refrain
Agneau de Dieu qui ôtes le péché du monde.
Agneau de Dieu, ton pardon, ta grâce abondent.
Tu nous donnes un cœur nouveau.

Nous entrons dans ton repos.

Tu révèles l’amour du Père,

tu répands ta lumière.

1. Au moment marqué, au temps voulu,
Jésus-Christ est descendu,

Comme le Père l'avait prévu.

Oh ! D'anciens prophètes l'avaient annoncé :
Dieu allait nous visiter
Pour sauver l'humanité.

2. Jésus a connu la mort pour nous.

Il a supporté les coups.
Il nous aima jusqu'au bout.

Oh ! La mort n'a pourtant pas triomphé.
Ses disciples l'ont attesté,
Jésus est ressuscité !

3. Vingt siècles ont passé depuis ce cri.
Quand Jésus rendit l'Esprit,

« Voici tout est accompli. »

Oh ! Son amour sauve encore aujourd'hui
Le pécheur qui vient à lui
Repentant, donnant sa vie.

Paroles et musique : Jean-François Bussy
JEM 376 Paroles et musique : Daniel Pialat

Pour aller plus loin :

Do pour Dieu

Les accords avec Do comme basse reviennent de trois manières différentes dans le refrain, à chaque fois que les paroles explicitent le nom de Dieu, comme si le compositeur cherchait à montrer les trois facettes de la trinité :
aux mesures 2 et 6 avec un accord de Do mineur et septième mineure, accord riche et plus chaleureux qu’un simple accord de Do mineur - pour parler par deux fois de Jésus, l’Agneau de Dieu
à la mesure 10 avec un Do majeur, renversé puis à l’état fondamental - pour parler de l’Esprit qui nous donne un cœur nouveau
à la mesure 14 avec un Do mineur et sa sixte majorisée, accord plutôt mystérieux, presque dérangeant – pour parler du Père qui nous aime inconditionnellement.
 
La césure, point de basculement
 
Si on découpe le refrain en 2 : les paroles qui ôtes le péché du monde (mesures 3 et 4) sont à mettre au regard des paroles nous entrons dans ton repos (mesures 11 et 12 soit respectivement les mesures 8+3 et 8+4). Le compositeur choisit de curieux moyens musicaux pour accompagner ces paroles : à la fois très différentes, et à la fois qui se font écho :
le musicien à l’œil aguerrit s’offusquera des quintes parallèles* entre les voix de ténor et soprano ainsi que (plus flagrant encore!) entre les voix de basse et d’alto sur la mesure 3. Il s’agit là d’un choix délibéré et d’un effet voulu pour dire toute la dureté du péché dans le monde.
l’accord de neuvième de dominante de Ré♭ (que l’éditeur a maladroitement simplifié en une neuvième ajoutée) nous fait aller vers la tonalité de Sol ♭ majeur (plutôt éloigné du Mi ♭ initial). Ce choix est révélateur de ce qu’est le repos du Seigneur : difficile à comprendre pour nous qui sommes bel et bien dans le péché du monde, comme si c’était ailleurs, loin et inatteignable. C’est alors que contre toute attente, le compositeur ramène cet ailleurs sur Terre en nous faisant revenir la mesure suivante dans la tonalité initiale : Jésus, l’Agneau de Dieu, est celui qui nous révèle un monde qui n’est plus marqué par le péché, mais par l’amour du Père.
 
* Dans l’harmonie classique, faire des quintes parallèles est considérée comme une faute à cause de la dureté pour l’auditeur à l’écoute des intervalles ainsi transposés

CHANTER EN ET HORS ÉGLISE