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HANSULI GERBER
ÉGLISE DE LA
CHAUX-D'ABEL 
(CH)

Publié dans le cadre de notre collaboration
avec les
 Editions mennonites
Art. paru dans :
Christ Seul No 1160 février 2025
 

Inspiré du chant des anges le soir de Noël, cet hymne de louange est au cœur des célébrations des différentes traditions chrétiennes.

Ce cantique solennel, dont la première partie est le chant des anges à Noël (Luc 2.14), s’appelle le Gloria dans les grandes traditions d'Église et il fait partie de la liturgie eucharistique toute l’année. Il est constitutif des cultes, liturgies, louanges et célébrations chrétiennes dès le 3e siècle.

UN CANTIQUE UNIVERSEL

Dans les églises catholiques et luthériennes, après le premier Avent et jusqu’à Noël ainsi que pendant le temps de la Passion, le Gloria n’est pas chanté, ni un Alléluia, en attente de l’accomplissement. Dire et chanter la gloire de Dieu est la vocation de la communauté des croyants. Ce qui est devenu actuellement la louange et occupe une bonne partie du culte, n’était pas une partie distincte du culte mais un élément intégré dans une démarche qui contenait d’abord la confession des péchés, le Kyrie (la plainte) et ensuite le Gloria (la louange).

Dans les églises mennonites-anabaptistes de langue allemande du siècle passé, cette composition de l’ukrainien Dmitri Bortnianski (1822), probablement sur le texte allemand, est souvent chantée lors de la sainte cène. Bortnianski a vécu en Italie et à Berlin ce qui a marqué sa musique de style orthodoxe. Lorsqu’on le chante, ce chant fait vibrer les os et les parois. Le groupe Chant Anabaptiste a élaboré une version en français de ce chant tant apprécié, emblématique de nos communautés de foi.

LOUANGE ET SUPPLICATION 

Les anges s’exclament: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, aux hommes bienveillance!» Pour être précis, le texte de Luc dit littéralement « aux hommes en qui il prend plaisir ». De cette phrase émane une ambiance paisible et festive, la joie de Noël est palpable. 
Au 20e siècle ont été découverts des manuscrits de l’évangile de Luc plus anciens que ceux disponibles lors de la première traduction de la bible en allemand. Martin Luther avait choisi le mot Wohlgefallen qui veut dire complaisance et est utilisé dans l’Ancien Testament pour décrire le plaisir que Dieu peut prendre par les odeurs d’un sacrifice honnête. Dans cette version, le chant des anges suggère que la complaisance revient aux hommes, dans certaines traductions basées sur la bible en latin «aux hommes de bonne volonté». Les manuscrits plus récents changent légèrement la signification, car la complaisance ou plaisir prend le génitif tandis qu’auparavant la complaisance était mis au nominatif. Cela donne maintenant: paix sur la terre, aux hommes de Sa complaisance. Désormais, l’avènement de Noël annonce la paix sur la terre et aux humains qui sont le plaisir de Dieu.
Il est intéressant de relever que ni le mot allemand Wohlgefallen, ni le mot français complaisance ne sont courants de nos jours. Qu’en est-il de la bienveillance? Bienveillance est plus proche de la bonté. Le mot grec dans les manuscrits est eudokia ce qui se traduit par complaisance, plaisir ou encore désir. Pour certains d’entre nous, le mot plaisir n’est pas évident lorsqu’on l’associe à Dieu car pour nos anciennes générations il avait une connotation négative, étant plutôt associé au péché. Quoi qu’il en soit, l’essence du chant des anges dit que la gloire du Plus-Haut consiste à donner la paix sur terre aux êtres humains de son plaisir. Le même mot est utilisé dans les évangiles pour dire le plaisir du Père lors du baptême de Jésus ou lors de la transfiguration. 
Suivent alors une série de formules liturgiques, louange et supplication, quelque peu répétitives. Si cette manière de prier du Moyen Âge correspond peu à la nôtre aujourd’hui, le texte exprime deux choses fondamentales: premièrement, il nous est vital d’être entendus et de trouver la grâce et la miséricorde. Deuxièmement, le rôle du Tout-Puissant qui siège au plus haut et auquel on fait appel, revient maintenant au Christ qui est notre frère.
Les formules liturgiques anciennes culminent dans l’association de Jésus-Christ et du Saint Esprit à la gloire de Dieu. Le Saint Esprit demeure parmi nous. Dès lors, la gloire de Dieu est partagée et les humains sont devenus partie prenante en Christ qui s’est solidarisé avec l’humanité en laquelle Dieu prend plaisir. Agir comme le Christ, c’est rendre gloire à Dieu. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, une parole circulait: «Qui ne veut pas protéger les juifs ne doit pas chanter la gloire de Dieu.» Que dirions-nous actuellement?

GLORIA

Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre,
aux hommes bienveillance. Amen. 
Nous te louons, nous bénissons ton nom,
nous t’adorons, nous t’exaltons,
nous te rendons grâce pour ton incomparable gloire. 
Seigneur Dieu, Roi céleste et Père fidèle;
Seigneur, Fils unique, Christ, notre frère!
Seigneur Dieu, Agneau de Dieu, Fils du Père,
toi qui portes le péché du monde,
prends pitié de nous;
toi qui pardonnes nos fautes, reçois notre prière.
Toi qui sièges à la droite du Père prends pitié de nous!
Car toi seul es saint. 
Toi seul es le Seigneur, toi seul es le Très-Haut. 
Jésus Christ avec le Saint Esprit
dans la gloire de Dieu le Père.
Amen, amen, amen.

Pour aller plus loin :

CHANTER EN ET HORS ÉGLISE